J’ai rencontré Steffi, il y a quelques années, à travers un événement (bien arrosé pour ma part) et on s’est échangé nos coordonnées sur-le-champ. On s’est revu et depuis ce temps, je suis activement ce qu’elle partage sur Instagram de son potager de ville et la cuisine qu’elle fait avec ses récoltes quotidiennes. Moi-même ayant le pouce vert, j’observe avec passion et jalousie ses réussites jardinières. Son énergie est contagieuse et fait du bien, tout simplement… Voici Steffi!
Parle-moi un peu de toi :
« Quand on me pose cette question-là, je trouve ça tellement particulier parce que j’ai un parcours atypique. Mon BAC est en linguistique et en sociologie, j’étais sûre que je voulais être orthophoniste. Après je suis allée enseigner l’anglais au Japon, j’ai pas tant aimé ce que je devais faire. Après je me suis fait virer parce que c’était une compagnie hyper structurée, j’ai eu un choc culturel parce que je n’étais pas habituée avec cette dynamique.
Par la suite, je me suis réorientée vers la sécurité alimentaire. J’ai donné des ateliers pour améliorer les compétences culinaires de jeunes personnes ou de nouveaux immigrants. Pour les arrivants étrangers, c’était surtout pour l’acclimatation aux légumes et fruits d’ici qu’ils ne connaissent pas nécessairement bien. Ça permettait de briser l’isolement à travers des cuisines communautaires et des ateliers. Pour les enfants, ça leur permettait de goûter à une foule d’aliments et de leur apprendre à cuisiner avec.
Ensuite, j’ai fait de l’approvisionnement de marchés de proximité et, au début de la pandémie, de l’approvisionnement de produits pharmaceutiques. Un jour j’aimerais vraiment travailler en agriculture urbaine, pas juste comme un passe-temps. »
Une cause qui te tient à cœur :
« Le réemploi, la minimisation des pertes et la redistribution des invendus alimentaires dans les supermarchés pour contrer le gaspillage et l’insécurité alimentaire. »
Ce qui te met hors de toi :
« Ça revient un peu au même, mais les aliments qui sont jetés par les grandes chaînes, pour une foule de raisons, au lieu de les donner aux banques alimentaires ou d’en faire du prêt-à-manger. Il faut s’inspirer de ce qui se fait en Europe, ils ont vraiment une avance sur nous. Il y a Loop chez nous qui est un bel exemple, mais il faut qu’il y en ait plus qui ont les mêmes valeurs. »
Est-ce que tu t’impliques dans ta communauté? :
« Oui, j’ai pas mal toujours travaillé dans le communautaire et j’ai travaillé pour le CIUSS au début de la pandémie. J’essaie, à travers les réseaux sociaux, de partager ce qui me tient à cœur, de donner des trucs aux gens pour la cuisine et le jardinage. »
Ton plus beau voyage au Québec :
« Pour vrai, y’a plein d’endroits au Québec que j’aimerais visiter, mais ma tante a un chalet pas loin de Princeville dans le Centre-du-Québec et j’aime beaucoup ça y aller. »
Plus jeune, aimais-tu l’école? :
« Oui, j’étais curieuse, j’aimais apprendre et je le suis encore. »
Ta relation avec le temps :
« Quand j’étais plus jeune, j’avais des retenues parce que j’arrivais en retard. En fait, moi j’ai un problème avec le matin, la gestion de mon temps le matin. Si je travaille à 8h00, je mets mon alarme à 6h00, mais là je me dis : “Ah! Je vais faire un peu de yoga, il faut que je m’étire. Mais là, peu importe la raison, je trouve toujours le moyen d’arriver soit pile à l’heure ou un peu en retard. Y’a des gens qui vont dire que c’est l’heure haïtienne parce que, dans les Caraïbes, tu n’as pas les mêmes mesures de temps et c’est totalement vrai. Toutes les cultures mesurent le temps différemment. »
Ta plus grande réussite personnelle :
« Le fait de ne pas avoir étudié en agronomie, mais d’être quand même capable de faire des choses à partir de semences. C’est beaucoup d’essais et d’erreurs et même quand je demandais à mes grands-parents qui étaient des fermiers en Haïti, ils n’avaient pas de solutions miracles et spécifiques à me donner. C’était simplement de choisir ce que l’on veut cultiver et mettre de l’eau et, d’année en année, tu vas finir par l’avoir. Il faut être créative et active. »
Ta plus grande réussite professionnelle :
« Je pense que c’est d’avoir travaillé, pendant la pandémie, dans un type d’approvisionnement qui était totalement nouveau pour moi : le pharmaceutique. C’était complètement fou! »
Parle-moi de ta passion du jardinage :
« Y’a toujours eu un jardin ici [en parlant de la maison de ses grands-parents] et quand je regarde les photos de moi, quand j’avais environ 5 ans, j’étais tout le temps dans la cour. Je ne sais pas si je jardinais, mais c’était tout le temps des bons moments. Les Japonais parlent de Forest Bathing pour désigner qu’une visite en forêt les relaxe, moi je parle plus de Garden Bathing dans mon cas, parce que c’est vraiment en jardinant que je décroche. Tu te sens mieux, tu vas jouer dans la terre, c’est thérapeutique. »
Qui est ta plus grande source d’inspiration, et pourquoi? :
« Je dirais mes grands-parents, parce qu’ils sont partis d’Haïti et sont venus ici en laissant tout derrière eux pour quitter l’instabilité politique. Ils avaient 7 enfants, dans une nouvelle culture où il faut chercher un nouveau travail. C’est vraiment courageux. »
Ton repas préféré :
« J’aime beaucoup les fruits de mer, mais je dirais n’importe quel repas entouré de ma famille et des gens que j’aime. On est quand même une grosse famille et quand on se réunit, chacun apporte un plat et on mange, on partage et on rapporte des doggy bags… Ça, j’aime ça! »
« Les Japonais parlent de Forest Bathing pour désigner qu’une visite en forêt les relaxe, moi je parle plus de Garden Bathing dans mon cas, parce que c’est vraiment en jardinant que je décroche. »
Le métier que tu voulais faire quand tu étais petite :
« Avocate ou bien docteure. »
Sucré ou salé :
« Sucré, mais j’aime beaucoup la combinaison sweet and salty. »
Ta saison préférée :
« L’été, c’est le moment où je peux jardiner. »
Ton objet préféré :
« Un collier qui appartenait à ma grand-mère. »
Ton odeur préférée :
« Le cacao et le beurre de cacao, j’adore! Y’a même Cartier qui a fait un parfum aux arômes de chocolat qui est assez réussi. Mais oui, moi c’est l’odeur du cacao brut, pas transformé. »
Ton artiste visuel préféré :
« Y’a une artiste d’origine haïtienne qui s’appelle Delphine Desane dont j’aime les peintures parce que c’est coloré, mais tout simple en même temps. Ça me rappelle beaucoup les Caraïbes avec les teintes et les gros traits. Sinon y’a aussi Niti Marcelle Mueth qui habite à Montréal que j’aime beaucoup. »
Ton film préféré :
« Récemment j’ai réécouté The Fifth Element, juste pour les costumes, l’humour et le suspense. Y’a aussi Parasite dont la famille est, à mon sens, Les Bougons coréens. Mais en vrai le build up est juste incroyable. »
Ta marque québécoise de vêtement préférée :
« Eliza Faulkner, j’ai une de ses robes en lin et je l’adore. »
Ta fête préférée :
« J’aurais dit Noël ou ma fête, mais plus j’y pense, c’est précisément toutes les fêtes où l’on peut se réunir en famille. Pour être tous ensemble avec mes tantes, et qu’on rie, et qu’on mange. »
La toune que tu as dans la tête présentement :
« Mon dieu, gros blanc de mémoire… Attends, je vais aller voir mon Spotify. En tous cas y’a des chansons pas mal cochonnes hahaha… OK j’ai trouvé : Till (your legs start shaking). »
Pour suivre Steffi sur son Instagram, c’est sur @badbadchoco.
Révision linguistique : Gabrielle Bernier